« Je me désencombrais de moi. En m'anéantissant je
   rejoignais une paix dont je n'étais pas à l'origine.
 »
Eric-Emmanuel SCHMITT - La nuit de feu
               Étape N°11
Palas de Rei          Arzúa          
24 septembre - 31 kilomètres
Journée enthousiasmante  ! Je vais retrouver ce soir à Arzúa Kim, Nadine et Frank,issus de notre dreamteam du Chemin du Nord, formée en septembre. Les deux premières ont continué sur le Camino del Norte qui rejoint à Arzúa le Camino Francès que j'ai emprunté depuis León, et Frank a suivi la voie la plus difficile, le Camino Primitivo à travers les montagnes par Oviedo et Lugo, avec des dénivelés pires que ceux des Pyrénées basques.
Ce
Camino Primitivo rejoint le Camino Francès un peu avant Arzúa, à Melide. Cette voie est le Chemin d'origine du pèlerinage, emprunté au 9ème siècle par le Roi Alphonse II le Chaste alors que presque toute l'Espagne était sous la domination des musulmans. 
Nous n'avions pas vraiment programmé nos retrouvailles, tellement peu probables qu'elles sont à coup sûr une des synchronicités* espiègles dont Maitre Jacques est un spécialiste !!
* synchronicité : d'aucuns pourraient parler de coïncidences, mais au regard du nombre incroyable de ces «coïncidences» sur le Chemin, il est clair qu'il s'agit de bien plus que de simples coïncidences. Je ne vais pas rabâcher en vous affirmant que nous sommes perpétuellement guidés dans le cadre d'un dessein (?) qui restera pour nous petits mortels un Mystère total, mais j'en suis maintenant absolument convaincu.  Le terme de synchronicité a été utilisé par Carl Jung  dans son domaine mais aussi par Wolfgang Ernst Pauli, l'un des fondateurs de la physique quantique.
Bien, reprenons donc notre pérégrination ! Rendez-vous dans un bar pour le petit-déjeuner. Le bar est comble !
Au dehors, la procession des peregrinos et des turigrinos reprend de plus belle. C'est un flot ininterrompu qui passe devant nous. Il fait presque froid, la brume est plus dense que jamais.
Viking et moi décidons de cheminer de concert aujourd'hui. Nous partons un peu tard, vers 9H00, sachant que la journée sera longue avec ses 31 kilomètres.      
Au bout de 8 km environ, au bord d'une petite route, dans une côte, nous nous arrêtons pour un café et un en-cas. Nous allons nous installer en face du bar, dans un champ où des tables et des chaises sont disposées, il est environ 11H00 et Viking me lance «how about a glass of wine Serge ?». Là elle m'épate ! Je ne vais pas me dégonfler et je reviens 5 minutes plus tard avec 2 verres de rioja, non sans avoir on ne peut plus surpris la serveuse et les autres pèlerins présents au moment de la commande. Quelques minutes plus tard, je suis abordé par un quidam anglophone qui me demande si je suis une célébrité (?) et veut absolument me photographier. J'accepte la prise de vue avec Viking ; d'ailleurs je me demande si ce n'est pas plutôt ma walkyrie qui l'intéresse. Je ne saurai jamais ! Nous convenons tout de même que de loin je peux ressembler vaguement à Spielberg ; on m'a déjà fait le coup à Paris il y a quelques années dans un restaurant basque ! Bon , après les photos accordées à notre fan, nous repartons vers Melide où nous arrivons vers 14H00 si j'ai bonne mémoire ! 

Outre le point de convergence avec le Camino Primitivo, Melide est une petite ville de 8.000 habitants le long de la Nationale 547, sans grand intérêt à part le pont romain deux kilomètres plus tôt, qui enjambe  le río Furelos. Je n'ai pas de photo ! L'autre intérêt de la ville, ce sont deux restaurants-usines pour pèlerins dont la spécialité est le fameux polbo á feira en galicien, pulpo a feira en espagnol. Je crois que chacun dipose d'une bonne centaine de places et ils sont presque complets quand nous arrivons. Nous sélectionnons le second, la Pulperia Ezequiel où l'odeur marine est moins prégnante. Pimientos del padron (des petits poivrons doux juste grillés avec de l'huile d'olive, j'adore !!), polbo a feira, bien sûr, excellent dois-je reconnnaitre, et très acceptable vin galicien de la casa.... à volonté !!  Ce pèlerinage transformerait un moine trappiste en ivrogne invétéré....quoique les trappistes ont déjà la bière, non ? Remarquable organisation du service, au demeurant très sympathique malgré le rythme effréné imposé. Très peu cher, moins de 20 € pour le tout il me semble. 
Avec Viking, nous avons fait un sort à la bouteille, ce qui rend les premiers kilomètres suivants un peu pesants, mais après nous retrouvons notre rythme endiablé....

Il reste tout de même une bonne distance jusqu'à Arzua d'autant que les 5 derniers kilomètres montent, montent.... Viking est d'une humeur massacrante, s'en voulant à mort que nous n'ayons pas entamé notre étape plus tôtle matin. Et une Viking ronchonne, c'est carrément Wagnérien !!! J'en fais les frais, elle devient très désagréable et se plaint du fait que l'auberge où je dois retrouver mes comparses du Camino del Norte est trop éloignée, à l'autre bout de la ville. Certes, nous approchons des 19H00, le temps est très gris et nous redoutons une averse... qui ne viendra pas. Alors que nous traversons un square, j'entends un tonitruant «Serrrrge» !! C'est Nadine avec son délicieux accent qui court vers moi et m'embrasse à tout rompre, suivie de Kim qui fait de même. Viking, toujours aussi aimable, reste à l'écart. Nous décidons d'aller nous installer à l'albergue à une cinquantaine de mètres toutes affaires cessantes. Grand dortoir d'une quarantaine de places, une hôtesse très couleur locale et très accueillante. Sanitaires pas terribles mais acceptables !
Viking se détend et me prie de l'excuser, et tout se termine au mieux, par une embrassade.

Après avoir revêtu une tenue «de ville», nous retournons au plus vite au bar où se trouvent Nadine, Kim et Frank, ainsi que tout un groupe de pèlerins qu'ils ont rencontré en Chemin, dont un jeune flic texan (le barbu sur la photo, à gauche), un Novégien de plus de 70 ans, une Suisse et son père, et quelques autres nouveaux menus... Le Rioja coule à flots, bien évidemment, et nous allons tous diner avec un menu pèlerin juste à côté. A la sortie, pluie trorrentielle ! Nous arriverons trempés à l'auberge... et quelque peu éméchés !  Demain matin, Lisa, que nous avons retrouvée à Arzua où elle s'est rendue en autocar à cause de contraintes de dates et de fatigue, va nous quitter pour aller directement à Santiago d'où elle doit repartir à Madrid le lendemain de son arrivée.  Ses étudiants U.S l'y attendent de pied ferme pour améliorer leur utilisation de la langue de Cervantes. 
Fin de l'étape N°11
  1 » 14 septembre > 20 km - León »» San Martin del Camino                        2 » 15 septembre > 38 km - SanMartin »» Santa Catalina de Somoza          3 » 16 septembre > 32 km - Santa Catalina »» El Acebo de San Miguel          4 » 17 septembre > 18 km - El Acebo »» Ponferrada                                    5 » 18 septembre > 22 km - Ponferrada »» Villafranca del Bierzo   6 » 19 septembre > 21 km - Villafranca »» Las Herrerias   7 » 20 septembre > 29 km - La Herrerias »» Triacastela    8 » 21 septembre > 24 km - Triacastela »» Sarria   9 » 22 septembre > 24 km - Sarria »» Portomarin  10 » 23 septembre > 25 km - Portomarin »» Palas de Rei   11 » 24 septembre > 31 km - Palas de Rei »» Arzúa   12 » 25 septembre > 20 km - Arzúa »» O Pedrouzo ( O Pino)   13 » 26 septembre > 25 km - O Pedrouzo »» Santiago de Compostela
 
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