San Martín del Camino                Santa Catalina de Somoza 
15 septembre - 38 kilomètres
Une petite touche tibétaine au bord de la route, style chörten - stupa en sanskrit - un peu avant l'immense croix de Santo Toribio que l'on aperçoit au fond à droite, croix qui domine la vallée et les villes de San Justo de la Vega et d'Astorga.   
Avec ses 38,08 kilomètres pour être exact, cette étape vers Santa Catalina de Somoza sera l'une des plus longues de mon voyage. Je l'ai programmée ainsi du fait qu'elle ne compte pas d'ascension importante sur le trajet qui va de de 800 à 1.000 mètres à l'arrivée à Santa Catalina.

Début du parcours le long de notre N-120 que l'on quitte pour un petit quart d'heure à Hospital de Orbigo pour en faire le tour. Au 16ème siècel, les chevaliers hospitalier y créèrent un hôpital destiné aux pèlerins. Le superbe pont de ce petit bourg, le Puente del Paso Honroso, long de 310 mètres, a été construit au 13ème siècle. Ses deux extrémités furent détruites au 19ème siècle pour freiner l'avancée des troupes de Napoléon. Il a été restauré récemment. Comptant 19 arches, il semble disproportionné par rapport au filet d'eau que l'on aperçoit ci-dessous, mais la rivière Orbigo était beaucoup plus importante avant la construction d'un barrage en amont. 
Mes photos du pont du Paso Honroso
Une photo plus panoramique, empruntée à Google
(le ciel bleu de la photo Google ci-dessus n'était pas au rendez-vous le jour de mon passage...)
En sortant de la localité, nous retrouvons avec «joie» notre N-120 pendant quelques kilomètre. Une bifurcation à droite nous mène à la croix de Santo Toribio. Une vue extraordinaire sur Astorga et les montagnes du León qui nous attendent les jours suivants, et je me dis que je n'aurais pas échappé très longtemps aux montagnes, montagnes dont est truffé ce pays. 

Traversée rapide d'Astorga, avec déjeuner dans un restau de luxe qui fait cependant des menus abordables pour les pèlerins, le Serrano. Mouais, un peu présomptueux, mais j'aime bien la déco style retour de chasse... A l'entrée d'Astorga se fait la jonction avec la Via de la Plata, une voie vers Santiago depuis le sud de l'Espagne, Séville plus exactement, voie elle-même rejointe à Mérida par le Camino Mozárabe en provenance de Jaén, Granada, Malaga, et Alméria.
Belle cathédrale, certes, mais cette ville sous la grisaille n'a pour moi que peu d'attraits. Je ne m'y sens pas à l'aise .
Cathédrale d'Astorga
Clin d'oeil amusant en face de la cathédrale
Pas amusant du tout, mais un brin surréaliste
A la sortie d'Astorga, quelle n'est pas ma surprise à l'approche de cette carcasse de moto enfleurie pour commémorer à l'évidence un accident mortel à cet endroit. En France nous nous limitons aux fleurs... pour l'instant !

Un peu plus loin, nous allons quitter la N-120 pour un chemin rectiligne qui tranche une campagne de type mexicaine.
Nous sommes en début d'après-midi
.

Et là, plus un seul pèlerin devant moi, ni aucun derrière !! Cela se vérifiera les jours suivants ! Cocasse ! Mes corréligionaires se lèvent aux aurores pour cocooner l'après-midi ? Le lavage et séchage des vêtements ne sont pourtant pas des raisons suffisantes. En juillet et en août, les fortes chaleurs justifient pleinement cette tactique ! Sur le Camino del Norte, le manque d'hébergements explique la course au matelas du soir, mais sur le Camino Francès pas de problèmes d'hébergement en septembre, et le climat et la température sont beaucoup plus agréables dans l'après-midi. C'est d'ailleurs le cas aujourd'hui !

Seul, entouré par ce vaste et puissant paysage, parfaitement calme et serein. Tout est paisible ! «Le Monde ne vient-il pas d'être parfait ?» s'écriait notre cher Nietszche !  Moi, c'est une immense vague de bonheur et d'émotion qui me submerge instantément et je me retrouve à genoux, au milieu de cette splendeur indicible qui m'est offerte, alors je remercie ! Je remercie d'être là, tout simplement ! Incommensurable joie ! Tout le Chemin est ici et maintenant, tellement merveilleux ! Merci ! 

A ce moment là, j'ai su que j'arriverai à Saint-Jacques, sans le moindre doute, avec un enthousiasme physique et psychologique  qui tenait d'une jouissance extrême.

J'étais devenu une machine en marche totalement invincible par la Grâce de Dieu !    

C'est là que le SOUFFLE m'a littéralement mis à genoux. Ce  qui compte, disent mes camarades bouddhistes, ce n'est pas ce que l'on fait, mais l'intensité et la vérité mises dans notre façon de le faire au moment même où nous le faisons. Ceci explique peut-être cela.  
Je continue sur un nuage de bonheur en grimpant doucement mais fermement jusqu'à Santa Catalina de Somoza, un tout petit bourg  de maisons anciennes, dont certaines sont en ruine. Il y a là une Auberge de pèlerins classique et ma petit auberge privée un peu plus loin avec bar et restaurant, type Ouest du Pecos ! Dîner pèlerin en solitaire et soirée courte et paisible.

Demain, nous passerons de 1.000 à plus de 1.500 mètres à Foncebadón, le point le plus élevé du Camino Francès
Juste avant l'entrée dans la ville d'Astorga,
le franchissement de voie ferrée le plus surréaliste qu'il m'ait été donné de voir !!
FIn de l'étape N°2
  1 » 14 septembre > 20 km - León »» San Martin del Camino                        2 » 15 septembre > 38 km - SanMartin »» Santa Catalina de Somoza          3 » 16 septembre > 32 km - Santa Catalina »» El Acebo de San Miguel          4 » 17 septembre > 18 km - El Acebo »» Ponferrada                                    5 » 18 septembre > 22 km - Ponferrada »» Villafranca del Bierzo   6 » 19 septembre > 21 km - Villafranca »» Las Herrerias   7 » 20 septembre > 29 km - La Herrerias »» Triacastela    8 » 21 septembre > 24 km - Triacastela »» Sarria   9 » 22 septembre > 24 km - Sarria »» Portomarin  10 » 23 septembre > 25 km - Portomarin »» Palas de Rei   11 » 24 septembre > 31 km - Palas de Rei »» Arzúa   12 » 25 septembre > 20 km - Arzúa »» O Pedrouzo ( O Pino)   13 » 26 septembre > 25 km - O Pedrouzo »» Santiago de Compostela
« Je pense qu’on ne peut pas atteindre autrement que par la marche le noyau
   le plus préservé de sa propre sauvagerie, ce qui est au plus profond de soi
».  

   Antoine de Baecque, Une histoire de la marche (Perrin, 2016)