Fin de l'étape N°3
« Pas un instant nous ne prévoyions de nous retrouver. Pourtant, cela se produisait sans cesse. »
Jean-Christophe RUFIN - Immortelle Randonnée
Santa Catalina de Somoza El Acebo de San Miguel
16 septembre - 32 kilomètres
Camino Francès > Étape Numéro 3
La très fameuse Cruz de Ferro en galicien (Cruz de Hierro en castillan, Cruz de Fierro en Leonais), se dresse au sommet du Monte Irago à 1530 mètres d'altitude. Elle se trouve à l'endroit le plus élevé du Camino Francès entre Saint-Jean Pied de Port et Saint-Jacques de Compostelle, juste au-dessus du village de Foncebadón. Elle mesure quelques 7 mètres de hauteur, composée d'un fût de chêne surmonté d'une petite croix de fer.
Ce matin, je me lève tôt !! Il fait encore nuit, mais j'attendrai l'aube pour démarrer. Petit déjeuner rustique, peu de pèlerins dans ma pension.
Je sors à la première clarté. Le hameau est traversé en quelques enjambées, et je retrouve cette campagne mexicanisante de la veille avec au fond les montagnes du Leon qui m'attendent de pied ferme. en effet, il va falloir grimper de 1.000 à plus de 1.500 mètres avant de redescendre au delà du Monte Irago jusqu'à El Acebo de San Miguel, 7 kilomètres plus loin.
Quelques minutes après avoir quitté Santa Catalina, je lève les yeux, et là je m'arrête subjugué !
Un gros nuage, parfaitement circulaire, qui ressemble fort à un OVNI, occupe une partie du ciel,!!
Truth is beyond dirait Mulder ! Il y aurait même des Aliens sur le chemin de Compostelle ? J'immortalise l'instant avant que le nuage, lentement, ne change de forme. Malgré les nuages qui enveloppent les monts du León au loin, la journée sera sans doute belle ! Tant mieux, car je ne sais pas quel sera le niveau de difficulté de l'ascension de l'Irago. Comme à l'habitude, des pèlerins me dépassent régulièrement en ayant l'air de vouloir accomplir des performances inégalées.
Je marche un temps en compagnie de 3 pèlerins, dont deux sont des amis d'enfance dans leur soixantaine en provenance de... Tasmanie. Le troisième vient des USA, je ne me souviens plus très bien de quelle région, peut être le Colorado ou le Wyoming. C'est d'autant plus amusant que nous nous arrêtons dans le bar d'un hameau minuscule pour prendre un café, bar dont le thème est ..... l'Ouest des Etats-Unis, décoration avec chapeaux Stetson, photos du Wild West, et nous avons même droit à un joueur de guitare costumé en cow-boy !! Il est à peine 8H30 !
Après cette courte pause, direction Rabanal del Camino, à 11 km de Santa Catalina.
Le village porte bien son nom, car il semble complètement consacré aux pèlerins en goguette, pour leur proposer l'indispensable, gîtes et couverts, et le reste, des bâtons de marche en pur bois de Chine aux écharpes imprimées de coquilles Saint-Jacques et autres équipements incontournables jusqu'aux pin's à accrocher à sa mochila....
Il est bien trop tôt pour déjeuner, alors je traverse le bourg, qui offre tout de même une architecture de maisons anciennes assez bine préservées. Je n'ai pas pris de photos mais celle-ci, trouvée sur internet, vous en donnera une idée.
Photo empruntée à www.tumbarumba.co.uk
Après Rabanal, nous allons quitter pour un temps la petite route que nous longions, pour commencer à grimper sérieusement vers Foncebadón (voir le schéma ci-dessous). Cette montée n'a pourtant pas grand chose à voir avec les dénivelés permanents du Camino del Norte.
Je maintiens le rythme sans problème !
Quatre vint mètres plus haut et un petit kilomètre plus loin, La Cruz de Ferro est impressionante, dont l'amoncellement de pierres déposées par les pèlerins depuis près de 1.000 ans. Du haut de ce monticule, 10 siècles nous contemplent !!
J'arrive au village de Foncebadón, lui aussi totalement consacré au passage des pèlerins avec auberges restaurants et pédicures, dont certains probablement autoproclamés, qui font commerces des ampoules et autres désagrément de la marche pour beaucoup d'entre nous. Je viens de faire quelques centaines de mètres en compagnie de deux jeunes polonaises qui vont être de bonnes clientes pour ces marchands du temple.
Pour ma part, je n'ai toujours aucun problème de pieds, de jambes ou d'autres parties de la «machine en marche». Merci Master Jacques !!
Je vais déjeuner ici avec une vue magnifique, un plat de tripes à la mode locale, et deux bons verres de vino de la casa parfaitement honorable. J'y retrouve Björn et Ayfer, un jeune couple suédois avec qui j'avais marché un moment ce matin.... ou peut être hier ! Ils sont très cordiaux, paisibles, elle d'origine turque se prénomme Ayfer car son père était un admirateur de.... la Tour Eiffel. Mais je dois repartir, car il me reste 11 kilomètres à parcourir avant l'étape du soir.
Vue du côté sud-est sur la plaine du León depuis Foncebadón.
La descente se fait sur des chemins empierrés qui ressemblent fort à ceux du Camino del Norte, avec une pente beaucoup plus marquée que dans la montée. J'adore de plus en plus les chemins à travers les forêts, tout en couleurs et odeurs.
Au bout de 3 kilomètres, passage devant l'auberge de Manjarin, fermée depuis quelque temps.
Il reste 7 kilomètres de descente raide jusqu'à El Acebo !
Soudain, je me retrouve face à un lutin qui monte !!! Il porte un chapeau de paille que l'on croirait sorti du Seigneur des anneaux ou de Bilbo le Hobbit. Après une tentative de contact en espagnol et en anglais il s'avère que mon interlocuteur est Français, plus précisément normand. Il revient du Portugal après être passé à Saint-Jacques bien entendu. Il porte un tee shirt arborant le signe sanskrit Om. Il y a vraiment un melting pot de spiritualités sur le chemin de Saint-Jacques ! Il n'est pas très bavard alors je continue la descente. Nous verrons plus tard que des loups vivent dans le coin.
Arrivée en fin d'après-midi, après cette longue descente en solitaire, à part le lutin. Toujours aucun pèlerin alentour à partir de 14H00 !!
Alors que des panneaux publicitaires vantaient l'auberge où j'avais réservé une chambre, plus rien à son propos dans le village d'El Acebo. Je demande alors à un autochtone qui me conseille d'en choisir un autre ! Je lui réplique que j'ai réservé et que je tiens parole. Il n'a pas l'air très heureux de mon choix mais m'indique tout de même la direction, à la sortie du village.
Et alors là, je suis rapidement totalement bluffé par l'établissement que je trouve enfin.
C'est bien une auberge pour pèlerins, où l'hébergelement en dortoir coûte dans les 10 €, mais j'ai l'impression d'entrer dans un hôtel de luxe avec comptoir d'accueil, superbe salle de retaurant, bar avec 2 hôtesses en uniforme, terrasse avec vue plongeante sur le Bierzo.... et grande piscine malheureusement inutilisableà cause dela température de l'eau... Le dîner des pèlerins est à l'avenant, pour moins de 10 € si je me souviens bien.
Je dîne en face de trois italiennes dansla cinquantaine qui sont un peu déçues par la cuisson des pâtes qui n'est pas aldente.. A ma droite un ancien diplomate Québecquois me donne son nom, Pierre La Mothe (je ne suis plus certain du prénom) !! Je vous rappelle que La Mohte Saint-Héray est le nom du petit bourg que j'habite dans les Deux-Sèvres.
Je croiserai à plusieurs reprises, et ce jusqu'à Santiago, ce personnage original et haut en couleurs qui est un admirateur effréné de la gens féminine. Ce n'est pas moi qui lui en ferai reproche ! A ce propos, une des hôtesses a fait des avances par écrit à un jeune et beau pèlerin barbu tout héberlué de son succès... et qui y répondra favorablement comme je l'ai appris le lendemain !
Le Chemin est un parcours d'opportunités dans bien des domaines ! Des couples s'y font et s'y défont aussi, parfois ! Quant à moi, je vais très raisonnablement profiter de la literie de ce Hilton del Camino dont l'existence même confine au surréalisme.
Nous apprendrons que le propriétaire des lieux est un Catalan ! Je ne saurai pas s'il s'agit d'un ancien pèlerin ! En tous cas, il a investi une somme colossale pour la réalisation de cette «auberge», la Casa del Pelegrino, alors que la rentabilité ne doit pas forcément être au rendez-vous compte tenu des tarifs pratiqués.
Vue sur le village d'El Acebo de San Miguel avec la vallée de Ponferrada au loin.
L'auberge est à droite juste derrière les drapeaux.
Quelques photos de l'intérieur de l'auberge Casa del Pelegrino
FIn de l'étape N°3