« Sur terre, ce ne sont pas les occasions de s'émerveiller qui manquent, mais les émerveillés. »
Eric-Emmanuel SCHMITT - La nuit de feu
Étape N°12
Arzúa O Predrouzo (O Pino)
25 septembre - 20 kilomètres
Les paysages de Galice sont très apaisés après les massifs montagneux du León
La preuve par le sourire extatique d'Arina
Nous sommes ce matin à la veille de l'étape ultime vers Saint-Jacques de Compostelle. Mes jeunes amies du Camino del Norte, Kim et Nadine, et Frank le héros du Camino Primitivo (voir les étapes précédentes et les parties de mon récit concernant le Camino del Norte, Irún-Bibao, Bilbao-Santander et Santander-Gijón) veulent rester à Arzua pour la journée et entreprendre une dernière étape demain en allant directement d'Arzúa jusqu'à Santiago, soit plus de 40 kilomètres. Je n'ai pas envie d'arriver à Santiago totalement fourbu, aussi je décide de partir dès aujourd'hui pour O Pedrouzo, étape courte d'une vingtaine de kilomètres pour savourer au mieux mon arrivée dans la ville qui nous a fait marcher pendant une multitude de jours. Nous convenons de nous retrouver demain quelque part sur le Chemin pour entrer ensemble dans la ville de Maitre Jacques !
Je partirai seul car Viking s'est levée tôt et a levé le camp il y a une bonne heure.
Plus de pluie ce matin, (cf l'averse d'hier soir à Arzúa) juste la brume habituelle de nos matins galiciens ! Je ne sais pas si c'est un phénomène de saison ou si c'est ainsi toute l'année. Aujourd'hui encore, elle se lèvera pour laisser place à un ciel ensoleillé à partir de 11H00 environ.
L'albergue Los caminantes où nous avons séjourné se trouve au bout de la ville - ce qui avait fortement agacé Viking hier - le côté positif étant que nous sommes à deux pas de la campagne et de nos délicieux petits chemin de Galice dès le départ. Les parcours les moins agréables sur le Chemin auront été les entrées et sorties des villes, notamment les grandes où les banlieues industrielles, commerciales et résidentiellles s'enchaînent en étant plus sinistres les unes que les autres. Les sorties de Bilbao, Laredo, Santander, et Ponferrada, surtout cette dernière sans que je sois capable de dire pourquoi, sont une sinistre illustration du côté sombre de notre «civilisation» marchande sans vision humaniste et sans joie. L'entrée dans Santiago, jusqu'au centre historique, n'y dérogera pas.
Le Camino suit de près ou de loin la même Nationale qu'hier, la 547 au bord de laquelle se trouve l'hôtel que j'ai réservé pour ce soir à O Pino, un peu avant O Pedrouzo. Plusieurs parties de l'itinéraire se font néanmoins sur des sentiers boisés et des paysages de collines bien agréables. Les petits bosquets style Walt Disney sont vraiment un plaisir.
Une douzaine de kilomètres plus loin, il est déjà 14H00 ! Je suis parti tard de matin, à 10H30 environ. Juste avant de bifurquer sur un sentier à droite, le long de la Nationale, je m'arrête pour déjeuner dans un restaurant dénommé A Esquipa, à Salceda, qui possède un petit jardin ensoleillé mais aussi ombragé.
J'y commande dans un premier temps une coupe d'olives accompagnées d'un verre d'Albariño , un blanc sec de la région, olives que je partage avec d'autres pèlerins dont une famile Française, et Marcel, un Suisse déjà rencontré à plusieurs reprises depuis Villafranca del Bierzo. Mais ce petit apéritif ne me suffit pas. Je commande donc la spécialité de l'établissement, un plat galicien, un churrasco, composé de viandes de porc et de veau grillées sur un brasero individuel qui est apporté à table. Gigantesque et délicieux !!
Une heure plus tard, après avoir fait honneur au churrasco, je repars sur le chemin à l'arrière du restaurant.
Je ne sais plus exactement à quel moment je l'ai rencontrée ! En m'approchant d'elle, je la voyais ramasser des bouteilles en plastique vides laissée sur le chemin par des turigrinos peu scrupuleux, pour aller les déposer dans l'une des poubelles installées fort intelligemment sur le chemin !!
Nous entamons la conversation ! Elle est Australienne d'origine Grecque. Son prénom est on ne peut plus grec, et si Viking semble être descendue du Whalala, Parthénopie est à coup sûr une déesse mutine, paisible et souriante, débarquant en droite ligne de l'Olympe pour faire un bout de Camino au côté des petits hommes mortels que nous sommes.
En fait, elle est fleuriste à Sydney et a décidé de faire un tour d'Europe et du Moyen-Orient, et de visiter l'Inde où elle se trouve lorsque j'écris ces lignes, 3 mois plus tard. Nous marchons ensemble pendant quelques kilomètres.
Parthénopie en tenue de pèlerine à Portomarin
(je ne l'ai rencontrée que quelques jours plus tard)
Parthénopie en tenue de ville
Après avoir traversé un petit bois, je quitte le chemin balisé pour rejoindre mon hôtel en longeant la Nationale. Ce n'est pas une bonne idée, beaucoup de circulation ! Mais ce n'est pas très long.
A 17H00, j'arrive à l'hôtel O Pino, essentiellement occupé par des groupes de turigrinos en goguette.... et en autocars.
J'ai droit à une charmante petite chambre avec deux anges au dessus de ma tête de lit.
Le dimanche soir, le restaurant de l'hôtel est fermé et O Pedrouzo est à près de 2 kilomètres.
J'appelle Viking qui y est installée dans une albergue pour pèlerins, mais qui ne veut pas marcher non plus. Nous convenons donc de nous retrouver le lendemain matin au petit-déjeuner pour pérégriner ensemble jusqu'à Santiago. Quant à moi, l'hôtelier me recommande un restaurant à quelques centaines de mètres, l'O Acivro qui va s'avérer excellent, dans un cadre très «classe», au milieu d'un hameau de quelques maisons. Il faut vraiment entrer pour s'en apercevoir. Je ne l'ai pas regretté. Pas donné, pour pèlerins de luxe, mais il y en a, dont un groupe de Français qui comme souvent parlent fort pour donner à entendre aux autres leurs conversations qu'ils doivent considérer plus importantes et plus passionnantes que celles de ceux qui les entourent. A la fin du diner, je commande une bouteille de très bon rioja, un Luis Cañas de 2010, que j'emporterai dans mon sac à dos pour le partager avec mes camarades en arrivant devant la cathédrale de Santiago.
Fin de l'étape N°12