« Il faut que le pèlerin soit enfin seul et presque nu , qu'il abandonne les oripeaux de la liturgie, pour qu'il puisse monter alors vers le ciel. Toutes le religions sont confondues dans ce face-à-face avec le Principe essentiel.   » 

«Compostelle est un pèlerinage bouddhiste.»
 
Jean-Christophe RUFIN - Immortelle Randonnée

 
Un vaisseau Alien m'accompagne au petit matin au départ de Santa Catalina de Somoza
De León à Santiago  - Une « Machine » en marche
A mon arrivée à León, en ce 11 septembre au soir, j'étais redevenu un peu perplexe. Aucune indication,
aucune flèche jaune alentours pour savoir dans quelle direction démarrer. Pas de connexion téléphonique,
donc pas de GoogleMaps, et mon logiciel ViewRanger est fait pour suivre un circuit préétabli. Les
fonctionnaires de la gare sont tout aussi zélés, aimables et accueillants que leurs coreligionnaires dans la
plupart des gares du Monde dit Moderne...
Enfin, tant bien que mal, après avoir interrogé un Belge qui parlait bien mieux espagnol que français, je sors
du bâtiment, et remonte une grande avenue jusqu'au centre ville où j'arrive alors à me diriger beaucoup
mieux jusqu'à l'hôtel que j'ai réservé..... Le Petit Léon, en français dans le texte. (NB. Mon petit fils, né en
Espagne, se prénomme... Léon)

En plein centre ville, très pratique et raisonnable au regard des prix généralement pratiqués dans le centre
d'une grande ville très touristique et très pérégrine. Les marcheurs vers les étoiles d'occident y sont légions,
mais très différents de ceux du Camino del Norte. Ceux que je dépasse ou que je croise  sont en général
nettement plus âgés, et semblent a priori plus « religieux » pour la plupart, mais ce n'est qu'une impression
parfaitement subjective. En tous cas, ils sont bien moins portés au contact, sans doute à cause du nombre.
Je resterai d'ailleurs seul dans la ville jusqu'à mon nouveau départ sur cette nouvelle voie. C'est une
expérience sans précédent pour moi sur le Chemin, et quelque peu décevante pour l'instant !    

Je reprends un peu mes forces en arrivant à l'hôtel, très agréablement accueilli à la réception, qui m'alloue
une très jolie chambre avec terrasse.  
Après avoir jeté un oeil à la météo, je décide de rester jusqu'au 14. Le 12 et le 13, il est prévu de la pluie
abondante.  J'apprendrai quelques jours plus tard que mes compagnons du Camino del Norte ont subi de
très fortes intempéries après mon départ, y compris des inondations. Ils ont dû recourrir à l'autocar pour se
sortir du guêpier. 

Depuis le début de mon périple, j'ai décidé de réduire au minimum les activités dites touristiques, visites
d'églises et de musées compris. Ces activités sont certes intéressantes mais distractives. Or, le pèlerinage
nécessite à mon sens une concentration sans relâche, à chaque instant ert à chaque pas que nous y
faisons. Ce terme même de «pèlerinage» ne me plait qu'à moitié ! Trop connoté religieusement. Pour moi, il
s'agit d'un exercice de meilleure  pratique du Réel, éminament et puissament spirituel, et les quelques 990
km déjà parcourus m'ont apporté la preuve que nous ne sommes jamais seuls. Nous sommes
transportés, accompagnés, éclairés à chaque instant sans en avoir conscience la plupart du temps
dans notre vie «profane» ; mais je laisse là l'écrit à Jean-Christophe RUFFIN qui évoque superbement au
regard de sa propre expérience cette «nature» fondamentale du Chemin :

    « Je commençai à percevoir en moi la présence d’un délicieux compagnon : le vide.
Mon esprit ne formait plus d’image, aucune pensée, encore moins de projet.

Mes connaissances, si j’en avais eu, avaient disparu dans les profondeurs et je n’éprouvai
aucun besoin d’y faire appel.

.......................

Je voyais tout avec une fraicheur éblouissante et j’accueillais la complexité du monde dans un
cerveau redevenu aussi simple que celui d’un reptile ou d’un étourneau.

J’étais un être nouveau, allégé de sa mémoire, de ses désirs et de ses ambitions.

Un Homo erectus mais d’une variété particulière : celle qui marche. Minuscule dans l’immensité
du Chemin, je n’étais ni moi-même ni un autre, mais seulement une machine à avancer, la plus
simple qui se pût concevoir et dont la fin ultime autant que l’existence éphémère consistaient à
mettre un pied devant l’autre. »

A l'instar des éclaireurs du Ch'an chinois - je préfère de loin de terme d'éclaireurs ou peut être même
faudrait-il dire éveilleurs à celui de maîtres - le vide dont parle Ruffin est plénitude aussi paradoxal que
cela puisse paraître.  Le vide, c'est l'abandon de tout ce qui empêche la pratique juste de la simplicité
foncière du Réel (lire Le Réel, Traité de l'idiotie du philosophe Clément ROSSET), ce qui n'a rien de
contradictoire avec la «complexité du monde» tel que nous avons cru bon de tenter de l'interpréter. Le vide,
c'est en quelque sorte déposer doucement le sac à dos constitutif de l'Ego ! Rappelons ici que le sanskrit
Nirvana signifie extinction du souffle, équivalent à wu-nien ou mieux wu-hsin en chinois, associés à wu-
wei = abandon de toute volonté de prédation ou de rejet.      

Mais revenons à notre périple ! Je me repose donc à León pendant deux journée pleines, en me livrant à
quelques besognes pratiques, telles que trouver une laverie automatique et un supermarché, ce qui est
souvent difficile dans les centre-villes historiques en Espagne où tout est dévolu au visiteur touristique, où
tout est bon pour le faire acheter et consommer au maximum et à un prix maximum. Il faut souvent marcher
une bonne demi-heure pour trouver ces commmerces pratiques, et même indispensables au pèlerin de
base. 

Je découvre aussi, mon pêché mignon - mais s'agit-il là d'un don de Dieu ou d'une fourberie de Satan ? -  je
découvre donc quelques endroits où me restaurer agréablement en appréciant les spécialités culinaires
locales, le boudin du León,  le botillo, le chorizo piquant, la cecina de porc, le jambon de Guijuelo, le fromage
de chèvre de la région, et quelques modernités un peu plus diététiques. De très bons vins régionaux
également, comme le Pyjama,  de la bodega Demencia, de Nacho León, un vin du Bierzo, à l'ouest de la
Province de León, élaboré à 100% avec des raisins du cépage Mencia, le Pardevalles rouge de
Valdevimbre, AOP Tierra de León, et le 24 Mozas de l'AOP TORO (Zamora), entre autres.  

Mon restaurant préféré, où je suis retourné à plusieurs reprises, était le Telamarinera, vraiment excellent au
plan culinaire,  à la fois simple et créatif. La charte éthique de l'établissement est un plus. Il ne sert que des
produits naturels, et de proximité dans la mesure du possible. Le patron est du coin, et sa moitié est
Japonaise. Ils sont tous deux très professionnels et absolument charmants.
Adresse : Calle Platerias N°1  - Tel : +34 987 07 18 62.   
La terrasse du restaurant  Telamarinera
De León à Santiago  - Mes étapes
Picture thanks to Parthenopie
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