« Manjusri s'adressa à Vimalakirti :
  - Nous avons tous donné notre point de vue. A votre tour
    révérend ; comment peut-on accéder à la non-dualité ?
  Vimalakirti garda le silence »
 
  Vimalakirti nirdesa sutra - Chapitre 9 (8 pour Etienne Lamotte)
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De Saint-Jean d'Angély à Royan
                        Étape N°5
Saint-Jean d'Angély               Saintes
21 Octobre - 35 kilomètres
Noyer d'Amérique planté il y a 140 ans dans la cour de l'abbaye de Sablonceaux .
Nous atteignons maintenant la troisième partie de mon itinéraire de proximité et le dernier tronçon de mon pèlerinage.
Il s'agissait donc de combler le vide entre mon domicile et Royan, ville d'où je suis parti initialement en juin de cette année 2016. Cet itinéraire de proximité a été, rappelons-le effectué en trois fois, avec les deux premières parties en août, et celle-ci fin octobre, un mois après mon retour de Saint-Jacques de Compostelle (voir la carte au bas de la page d'accueil).

Cette dernière partie a en fait débuté le 20 octobre pour rejoindre Saint-Jean d'Angély en train depuis mon domicile. J'avais prévu d'y dormir dans un petit hôtel, La Goule Benèze, doublé d'un très bon restaurant, que je connais bien pour les avoir déjà pratiqués à l'occasion de petites randonnées à vélo. Hé bien oui, je ne vois aucune contradiction entre pèlerinage et plaisirs culinaires à l'issue de l'effort quotidien, vous l'aurez déjà remarqué à la lecture de la plupart des pages de ce site.... Certes, ce soir là, l'effort fut on ne peut plus mesuré puisque je n'ai en fait marché que pendant 20 minutes entre la gare SNCF et le centre-ville. 

Problème, à l'arrivée devant l'hôtel, porte close avec un petit panneau annonçant que les réservations et l'accueil n'ouvrent... qu'à 17H00, si je me souviens bien ! Aucune réponse au téléphone non plus ! Il faut croire que le succès mértité du restaurant provoque un peu de laisser-aller en matière de temps de présence pour l'hôtel. Dommage !  Je vais sans doute me rabattre vers l'Abbaye Royale qui m'avait déjà accueilli, et pour un prix 4 fois moins élevé, en août dernier.

En passant place du Pilori, je m'arrête dans un bar, le
rum runners, en charentais dans le texte, où l'accueil est très agréable. Le patron des lieux me dit qu'il aimerait bien faire le pèlerinage de Compostelle un jour. En fait, si je suis entré dans ce bar c'était avant pour demander comment me rendre au Décathlon de la ville où je pourrai trouver des bâtons de marche car j'ai oublié les miens à la maison, tête de linotte, les bons réflexes du Chemin se sont déjà atténués.... J'en profite pour y prendre un café, puis un verre de vin. Une cliente s'est entre-temps installée à une table proche et me demande si je suis un pèlerin, la coquille Saint-Jacques sur le sac à dos étant un superbe passeport pour engager des conversations tout au long du Chemin, notamment en France. Pascale m'invite à la rejoindre à sa table où nous partons dans une conversation dense à l'issue de laquelle, au bout d'une bonne heure, le monde est totalement refait par nos soins, en bien mieux, évidemment !! Elle me propose alors de venir dîner et dormir au domicile où elle réside avec son compagnon Paul. J'accepte avec grand plaisir, c'est la première fois que je me fais inviter chez des particuliers... à part mes fils, à Lacanau et à Melle. Finalement je me réjouis de la fermeture de l'hôtel Goule Benèze, sans laquelle je n'aurais pas rencontré ces deux samaritains. Paul passe donc nous prendre en voiture et nous voilà partis à quelques kilomètres au sud de la ville ! La maison est en pleine campagne dans un cadre de verdure reposant, avec chats, chien, et chevaux. Le dîner est excellent avec des produits locaux et naturels. La conversation est intéressante et variée ; ils sont tous deux cultivés et très ouverts. Leur maison à ossature bois est tout aussi chaleureuse que ses occupants.

Le lendemain matin, lever de bonne heure ! Il gèle dehors, nouvelle expérience après les chaleurs du mois d'août ! Heureusement, j'avais prévu le cas, et m'étais équipé d'une veste supplémentaire, coupe-vent d'hiver, que j'utilisais à vélo auparavant, une cagoule et des gants fins (smartphone et GPS obligent) mais chauds. Le short de cet été a fait place à un pantalon en velours. Il manque toujours les bâtons de marche oubliés, et il n'est plus question de revenir à Saint-Jean. J'éprouve pourtant un besoin impérieux de bâtons pour retrouver position et rythme qui me convenaient si bien et faisaient partie de la «machine en marche» des montagnes ibériques. 

Avant de me déposer au bord du Chemin, Pascale et Paul me conduisent à l'aube sur le site de Fenioux, près de chez eux, où le paysage est vraiment un bonheur de si bon matin, paysage doucement vallonné avec en haut de la pente un hameau, une église et une lanterne des morts, toutes deux du 12ème siècle (photos ci-dessous). Un fond de brume alentour ajoute une bonne dose de mystère.   
       
                     Lanterne des morts et hameau de Fenioux

Pour info, «Une lanterne des morts est un édifice maçonné, de forme variable, souvent élancé, en forme de tour, généralement creux et surmonté d'un pavillon ajouré (au moins trois ouvertures), dans lequel, au crépuscule, on hissait, souvent avec un système de poulies, une lampe allumée, supposée servir de guide aux défunts.» «La lanterne des morts de Fenioux, de style roman saintongeais, fut construite sur un site qui faisait déjà l'objet de rites païens au VIe siècle : des fouilles y ont en effet mis au jour des pierres celtes et les vestiges d'un autel druidique. Haute de 18 mètres, elle est constituée de 11 colonnes accolées, surmontées de colonnades plus légères et d’un lanternon ajouré. La toiture est une pyramide couverte d’écailles, surmontée d’une croix. Un caveau voûté est adossé à la lanterne Sources : Wikipedia & beneze17.free.fr

Après cette visite, je me harnache pour ne pas avoir froid et je me lance sur une petite route qui traverse des bois de châtaigners. Le besoin de bâtons de marche se fait alors cruellement ressentir, mais j'ai là une solution toute simple et bien moins onéreuse qu'un passage chez Decathlon... Il me suffit de repérer deux branches suffisamment solides et rectilignes, et à peu près de même taille.
J'ai un couteau bien affûté qui fera l'affaire. Après 5 minutes de marche, je trouve la première, et 5 minutes plus tard une seconde à peu près de la même taille. Je suis le plus heureux des hommes ! Je retrouve dès lors ma position privilégiée et mon ryhtme idéal ! L'utilisation de la force des bras donne une impression de plus grande facilité, notamment en terrain pentu quel qu'en soit le sens.

Normalement, cette étape est longue depuis le centre de Saint-Jean d'Angély avec ses 35 kilomètres, mais grâce à mes bon samaritains Pascale et Claude, je n'en ferai que 24 ! Il n'est bien évidemment pas question de retourner à Saint-Jean puisqu'ils me déposent à La Fredière quelques kilomètres au sud de Fenioux.  Il est 8H30. 1 km plus loin, je traverse la D124 pour prendre un chemin à travers champs où mes pas font doucement craquer la fine couche de givre qui recouvre la végétation. Mon équipement est parfait, je n'ai absolument pas froid.  Juste avant le
bois de La Lair, je prends à droite au lieu de suivre le chemin, je ne sais plus bien pourquoi. Je marche sur une petite route à travers ce bois, parallèle au chemin, et alors un panneau jacquaire indique qu'il faut tourner à droite en prenant un sentier traversant le bois. Je vérifie avec mon GPS et mes cartes au 1:25.000ème qui m'ont si souvent rendu service, en Espagne comme en France. Or, sur la carte, le sentier en question est une impasse. Quelque peu surpris, je continue sur la petite route qui me fait rejoindre le chemin balisé à moins d'un kilomètre de là. Un peu plus loin, il faut tourner à droite au niveau du hameau de Juicq. Sur la droite, au sommet d'une colline, trône une modeste église romane toute simple, l'église Saint-Pierre, complètement isolée, entourée par son cimetière, que j'avais visitée quelques année plus tôt après avoir également visité une maison à vendre sur une colline en face, à Bois Moreau, où la propriétaire, charmante au demeurant, nous avait fait l'apologie de Sarkozy... Personne n'est parfait !!

Après avoir traversé un champ, je remonte un sentier niché dans un nouveau petit bois ; cette campagne charentaise boisée et vallonnée est vraiment très séduisante, à taille humaine, à contrario des paysages bien plus majestueux en Espagne, mais souvent un peu trop vertigineux à mon goût, et où l'humain semble parfois un peu déplacé dans le contexte.

Il est maintenant 10H30, j'ai parcouru unpeu plus de 7 kilomètre et une halte casse-croûte serait la bienvenue. Or, j'arrive à un carrefour, dans un hameau, face à un bar-tabac,
l'Aqueduc Romain, au bon moment et au bon endroit. Merci Maître Jacques ! En plus, j'y suis très bien accueilli, nous discutons à propos de Compostelle, je prends un grand café et la patronne me prépare pour plus tard un magnifique sandwich pâté-cornichons ben d' che nous, en charentais dans le texte. Bien différent, mais tout aussi savoureux que les tortillas du nord de l 'Espagne !  J'en profite pour changer de tenue, en enlevant 2 couches du haut et je remplace le pantalon par mon bon vieux short suédois.  La température est en effet rapidement remontée, nous ne sommes qu'en octobre et le temps est ensoleillé. La seule expérience que j'aurai totalement «ratée» pendant ce pèlerinage est celle d'une journée de marche sous une pluie continue et dense comme nombre de mes congénères l'ont expérimenté, y compris mes amis du Camino de Norte quelques jours après que je les ai momentanément quittés pour prendre le Camino Francès. Il ne serait pas très élégant que je m'en plaigne, n'est-ce pas ? Merci Maître Jacques ! Pas d'ampoules aux pieds, quasiment pas de pluie, pas de chinches (punaises de lits douloureusement rencontrées par quelques uns de mes amis pèlerins) sur 1.330 kilomètres, c'est presque miraculeux !  

La présence du bar où je fais relâche s'explique par la proximité immédiate d'un monument imposant et splendide, le
château du Douhet. Je n'ai pas vu l'aqueduc.... tout en ne l'ayant pas vraiment cherché !
L'église Saint-Pierre, près de Juicq
Le sentier est carrément flou, à cause de l'appareil de mon smartphone en cas de clarté insuffisante....
ou à cause du photographe.  Inscrit sur la borne à droite : « Vivez dans l'Amour et n'ayez peur de rien »  
 
Le château du DOUHET
Remis à neuf, je quitte mes hôtes du bar l'Aqueduc ! Traversée du village-rue du DOUHET. Au centre, Il y a une autre église romane, Saint-Martial, humble, comme je les affectionne, contrairement au gothique qui malgré ses splendeurs, ses envolées architecturales, sa démesure, et même à cause d'elles, ne me parait pas correspondre à l'Esprit de l'Evangile et à la volonté de dépouillement du Christ. L'église est ouverte, et j'y entre en admirant sa façade remarquable, dont photo ci-dessous. Il y a à l'intérieur une petite statue argentée d'un Christ debout, très originale, dont la simplicité me ravit, je ne sais pourquoi ! Nouvelle fulgurance - physico-mystique ? - je me mets à doucement pleurer de joie !!


Si ces effets de joyeuses fulgurances émotionnelles se répètent, vais-je devoir m'étiqueter en tant que Chrétien ?? Je ne crois pas, je suis plutôt «Christien» pour faire dans le néologisme hérétisant, car carrément réfractaire à tout le fatras religieux strictement humain accumulé par ceux qui s'attribuent le titre de représentants accrédités, incontournables gardiens d'équations théologiques et rituelles censées traduire le message d'origine du charpentier Joshua. A cause d'eux, l'Europe a été privée de culture ouverte pendant des siècles, obligeant la population à se limiter à la lettre de la sacro-sainte, de leur point de vue, scolastique. Au diable, au plein sens du terme, les philosophes de la Grèce antique et d'ailleurs !     

Combien de crimes et de désastres ont été commis par ou à cause de ces prétendus interprètes qui ne sont que des hommes distillant souvent le pire  ? Combien de Templiers ont été torturés entre 1305 et 1316 avec la bénédiction du pape et du roi Philippe Le Bel pour les seuls besoins financiers de la couronne  (Clément V a préconisé par bulle papale la torture des templiers, et y a contraint les espagnols, malgré le refus de Jacques II d'Aragon, en ordonnant de déplacer les prisonniers de son royaume où la torture était interdite vers Barcelone où elle était autorisée). Il en avait été de même au 13ème siècle pour les Cathares, condamnés comme hérétiques par Innocent III qui portait bien mal son nom. Ils ont été
massacrés par centaines de milliers avec la bénédiction de cet autre pape par les troupes conduites par Simon de Montfort. Ainsi Arnaud Amaury, le légat pontifical, lançait le massacre de Béziers le 22 juillet 1209 au cri de  «Tuez les tous, Dieu reconnaitra les siens !». Ce seul jour là, 20.000 personnes, Cathares et non Cathares confondus, ont été passés au fil de l'épée au nom du Christ.

Nous ne reviendrons pas sur
les tueries entre protestants et catholiques qui auraient fait de un à trois millions de victimes, ni sur les méfaits de l'Inquisition entre le XIIIème et le XVIIIème siècle, soit pendant 500 ans, le dernier procès ayant eu lieu en Espagne un peu avant la révolution française.  

Ceux qui ont commis ou fait commettre ces assassinats de masse ont assassiné par là même l'entreprise magnifique du Christ. Ces horreurs  ne sont malheureusement pas l'exclusivité des ecclésiastes chrétiens, à tout le moins de leur hiérarchie. Il en est en effet de même aujourd'hui avec les cinglés d'Allah qui entendent massacrer tous ceux qui ont l'abomination de penser qu'il  puisse y avoir un autre Dieu qu'Allah et un autre  prophète que Muhammad. La divinité repose peut être au fond du coeur  de l'Homme, mais pour la plupart, elle est enterrée sous des tonnes de barbarie, d'aveuglement et de stupidité. De monstrueux
fantômes affamés diraient les bouddhistes qui pour leur part sont probablement les seuls à n'avoir jamais mené de croisades contre ceux qui ne partagent pas leur vision de la spiritualité, à quelques exceptions près, très marginales et très localisées dans l'espace et dans le temps. 

Mais aurais-je à nouveau quelque peu digressé ??

Après un moment passé dans cette église, je reprends mon parcours du jour. Nouvelle traversée d'un bois à la sortie du Douhet. Vallée de la Tonne, puis à l'orée du bois, au croisement avec le GR4, déjeuner en savourant doucement le sandwich préparé par Madame Roger du bar l'Aqueduc.  Maintenant il fait presque chaud !! Une petite demi-heure de pose s'impose.

A 12H30, la marche reprend sachant qu'il me reste la moitié du trajet, soit un peu plus de 12 kilomètres à parcourir. 3 kilomètres et une heure plus tard, arrivée à Fontcouverte, déserte ! A la sortie, je longe le ruisseau de l'
Escambouillle.

C'est alors que j'arrive dans un endroit particulièrement surréaliste ! Le Chemin longe en effet un immense terrain de golf. Jusque là pas d'incongruité majeure, sauf que je m'aperçois que le pèlerin est invité à emprunter un sentier un peu pentu et pas très agréable, parallèle au terrain, sur sa gauche,
sous peine..... d'électrocution puisque le propriétaire du dit terrain a cru bon d'installer un câble électrifié à hauteur de mollet qui court tout au long du bord de la propriété !!! Sympathique n'est-ce pas ? J'ose croire que le pèlerin de passage n'est pas assimilé à un prédateur indésirable, quoique les regards peu amènes que me lancent les joueurs pourraient faire croire le contraire, à quelques très rares exceptions près... Je m'empresse donc de dépasser cet endroit peu accueillant en me disant qu'il serait peut être bon de créer un détour pour le salut des futurs marcheurs, dans la mesure du possible. En regardant ma carte, je constate  que ce n'est pas évident, même si, sous réserve de vérification sur place, deux possibilités semblent exister.

Il faut maintenant vous dire qu'après être sorti du terrain de golf,
à la merci d'une mort subite du fait d'une balle mal dirigée.... le pèlerin doit affronter un nouveau péril, sur toute une partie boisée que l'on doit longer, utilisée par ...... l'association des Archers Saintais. De nombreux panneaux avertissent le promeneur qu'il peut trouver ici la même fin brutale qu'un pionnier égaré en territoire indien au fond du Far West !! Mais pas le choix, il faut y aller, en restant aux aguets sur le sentier. Je siffle et je chante au cas où un maladroit aurait l'idée saugrenue de lâcher sont trait dans ma direction par mégarde.  Je respire mieux en quittant l'endroit au bout, tout de même, de plus d'un kilomètre.

C'est maintenant un changement de style radical, une voie routière à traverser, puis un passage odorant, très malodorant, devant la station d'épuration, et enfin l'on s'échappe sur un sentier boisé en surplomb de la route. Au bout, pas de panneau, pas d'indication, mais je rencontre un jeune type un peu gêné par ma présence car en train de fumer un «joint» très odorant, odeur bien plus agréable il faut le reconnaitre, que celle de la station d'épuration. Bien orienté par le baba désorienté, je longe cette fois très agréablement le bord de la rive gauche de la Charente jusqu'au pont principal de Saintes. 

Au bout du chemin, entrée immédiate au coeur de la ville, en longeant un arc de triomphe et des blocs de pierres romains impressionnants. Musée à visiter à l'arrière, que je connais déjà et que je recommande aux amoureux de vieilles pierres et de sculptures magnifiques. 

Il me faudra encore parcourir 2 kilomètres pour arriver au gîte pour pèlerins adossé à
l'église Saint-Eutrope, après une pause café bien méritée au centre-ville, pause faite de cafés d'Ethiopie du meilleur aloi dans une officine spécialisée.

L'accueil au gîte est assuré et avec sympathie par un bénévole avec qui je discute un bon moment des bénédictions de ce pèlerinage.
Je suis et je resterai seul pour la nuit, sur une couche confortable le long d'un mur commmun avec l'église, et la crypte de Saint-Eutrope est à deux pas.  

Succulent dîner au restaurant Fleur de sel, à côté du théatre. Attention, ce n'est pas une cantine pour tous les jours.... Par contre, je suis très agacé par le bouquin que j'ai apporté pour patienter et qui m'impatiente fort,
La théorie du voyage. Michel ONFRAY y étale une pédanterie sans pareille dans la forme, à coups de références culturelles tassées en mille-feuilles de confitures sophistiquées, tout ça pour faire passer un fond d'une banalité et d'un manque d'intérêt peu communs. J'arrête au bout de quelques pages avec soulagement. Je n'y replongerai pour rien au monde ! Il me fait penser à cette phrase de Nietzsche que j'affectionne particulièrement, écrite à l'intention des mauvais poètes : « Ils troublent leurs eaux pour faire croire qu'elles sont profondes », même si, en l'occurence, il ne trouble rien mais travestit à l'extrême, à l'instar des Incroyables et des Merveilleuses en leur temps. Mais par ailleurs, sa vision de la décadence de l'occident chrétien qu'il qualifie d'incontournable, bien peu politiquement correcte mais solidement argumentée, retient mon intérêt.  


 
    
Le Douhet - Église Saint-Martial
En plein Far West !
Sur le panneau à droite, «les promeneurs sont invités à rester sur le chemin». Il est bien connu que les flèches sont stoppées net dès quelles atteignent le dit chemin, nest-ce pas ? 
Le gîte de Saint-Eutrope vu de l'intérieur
A droite mes deux nouveaux bâtons de marche offerts par la forêt.
Arrivée dans la ville deSaintes
                        Étape N°6
              Saintes            Sablonceaux
22 Octobre - 28 kilomètres
 
Les arènes de Saintes au petit matin
 
 
Départ à 8H30 ce matin. Je m'arrête un moment dans la crypte de Saint-Eutrope avec recueillement. Cette halte provoqua chez moi l'émergence d'un état paisible pour toute cette journée. « La plus ancienne des sources connue à propos de Saint-Eutrope est dans le Codex Calixtinus où Aimery Picaud* offre aux pèlerins de Saint Jacques de Compostelle une vie de ce grand saint :  Eutrope, d'origine perse (l'actuel Iran) serait le fils du roi Xerxès (NDR : quelque peu surprenant lorsque l'on sait que Xerxès 1er régna de -485 à -465, et que Xerxès II qui n'a régné que 45 jours est mort en  -424. Mais sachant qu'en Perse Artaxerxès est un titre, il peut s'agir d'un souverain de l'Empire Perse finissant au tout début de l'ère chrétienne. Ce pourrait être Vonones 1er ou Artaban III, successivement rois des Parthes à cette époque ). Attiré en Palestine par la réputation de Jésus, il y rencontre Martial, qui deviendra le premier évêque de Limoges puis son saint patron ; la légende en fait en outre le treizième apôtre. Il assiste à la multiplication des pains et des poissons, puis à l'entrée triomphante de Jésus à Jérusalem, qu'on célèbre le jour des Rameaux. Apprenant que le Christ est arrêté, il retourne en Perse pour y lever une armée qui pourrait le secourir. Or, Jésus meurt avant qu'il ait pu regrouper ses soldats. Il ordonne alors le massacre des juifs de son pays et rejoint ensuite les apôtres et les premiers disciples, puis il part évangéliser l'Europe. Saint Pierre, l'envoie alors à Saintes, grande ville romaine de Gaule. D'après certaines légendes, il arriva en Europe dans la barque qui déposa Marthe et Marie-Madeleine aux Saintes-Maries-de-la-Mer.» Source Wikipedia (NDR : source plutôt douteuse au regard de la filiation supposée....).

* « La paternité du Guide du Pèlerin est contestée à Aimery Picaud. La mention de son nom par deux fois dans le texte a longtemps justifié qu'on le considère comme en étant l'auteur, mais Bernard Gicquel a démontré (?) qu'il ne l'était pas. Il aurait simplement rédigé vers 1135 les « 22 miracles », attribués plus tard à Calixte II et repris dans le Codex. L'auteur du Guide du Pèlerin serait
Hugues le Poitevin, moine de Vézelay, rédacteur de la chronique de Vézelay » Source Wikipedia.


Cette matinée tout aussi ensoleilllée que la précédente et un peu moins froide, mais juste un peu. La journée va être épique pour de multiples raisons :

1. La sortie de Saintes est un vrai jeu de pistes à travers un dédale de rues de quartiers résidentiels.
2. La signalisation est bien moins présente sur cette voie secondaire du chemin de Saint-Jacques,qui emprunte le GR34, la voie
    principale allant plein sud en direction de Pons.  . 
3. Un  important chantier en cours a complètement effacé la piste juste après la traversée du pont au-dessus de l'autoroute Paris-Bordeaux.
4. La signalisation est insuffisante entre Corme-Royal et Sablonceaux.
5. Aucun fichier gpx de l'itinéraire n'a été trouvé sur internet pour la partie allant de Saintes à Sablonceaux, contrairement aux parties
    Sablonceaux-Saujon et Saujon-Royan disponibles sur le site https://www.agglo-royan.fr/randonnees.
Merci à la ville de Royan,
    car il n'y a quasiment rien sur le site du département,  qui propose un seul gpx au libellé prometteur, chemin-saint-jacques.zip
   (au 14-01-2017), mais ce fichier ne contient en fait qu'une portion très congrue allant de la limite avec les Deux-Sèvres jusqu'à...
    La Villedieu, 4 km plus loin... Je n'avais donc aucun support GPS pour cette étape,
seule exception pour l'ensemble de ma
    pérégrination entre La Mothe Saint-Héray et Saint-Jacques de Compostelle.    

Bien heureusement, j'avais en ma possession les itinéraires papier publiés sur le site de l'Association Saintaise des chemins de Saint-Jacques de la Charente Maritime, très bien réalisés, hormis le fait que, à l'instar de tout support papier, la mise à jour n'était pas récente et ignorait notamment le chantier qui coupe la route sur le chemin de Mongre juste après le passage au-dessus de l'autoroute, 5 kilomètres après le départ de Saint-Eutrope. Ce site propose bien un tracé GPS de Corme-Royal à Saujon, mais qui en fait n'est pas disponible (retour à la page d'accueil).  Contactée par mes soins par courriel début novembre, où je proposais constructivement de transmettre mes gpx, dont celui de mon tracé entre Saintes et Sablonceaux qui est désormais téléchargeable ici (le tracé débute au bas de la rue des arènes, rue en pente, à droite  après le restaurant l'Adresse qui est face à l'église Saint-Eutrope), l'association ne m'a toujours pas répondu à ce jour, 14 janvier 2017.

En règle générale, rechercher des gpx pour des itinéraires à pied sur le Chemin fut un vrai travail d'investigation pour tout le parcours. J'ai tout de même réussi peu à peu à en trouver pour la totalité de mon itinéraire sauf...   Je les mettrai en ligne pour les futurs pèlerins en espérant que cela leur sera aussi utile qu'à moi. La plupart des sites préfèrent vendre des cartes sur support papier ; archaïsme, quand tu nous tiens !! Attention, ce n'est pas le cas du site de l'association de Saintes dont je viens de parler, où les supports papier très bien détaillés, et qui m'ont été d'une grande utilité, sont téléchargeables gratuitement, merci à eux.  

Bon, si je revenais au déroulement de cette journée ?    

Départ, donc de l'église Sainte-Eutrope, descente vers les arènes romaines que l'on contourne pour entrer ensuite dans un jardin public où le premier jeu de pistes commence. Mon papier dit qu'il faut aller au fond du jardin, mais là, aucne signalisation en vue. En fait, il y a bien une indication du GR4, mais invisible au passant qui ne contournerait pas le premier arbre. Espièglerie ? La suite est plus facile jusqu'à l'arrivée dans un espace pavillonnaire, où le jeu de piste reprend. C'est un zig-zag permanent entre les résidences, assez bien balisé aux couleurs du GR tout de même, mais peu agréable, de même que l'environnement.  Une alternative le long du cours Paul DOUMER, puis par la D24 pour traverser l'autoroute serait bien plus simple, et réalisable dans de bonnes conditions de sécurité de bout en bout. La suite pourrait être un itinéraire complètement revu passant pas le sud, mais j'y reviendrai plus avant et en détail en proposant un autre gpx détaillé.   

Je respecte l'itinéraire décrit sur mon papier pour me retrouver 5 km plus tard sur le chemin de Mongre. Immédiatement après la traversée de l'autoroute, OUPS, plus de chemin ! A la place, un immense chantier, à l'arrêt ce jour là, nous sommes un samedi.  Je me dirige donc au jugé en traversant le dit chantier en diagonale. Erreur, j'aurais dû rester à droite en montant. Je ne trouve plus rien, que ce soit avec Viewranger et mes cartes au 1:25.000ème ou Google maps, qui me propose de marcher à traver un champ cultivé, ce que je fais tant bien que mal. Au bout du champ, et derrière un rideau d'arbres, Ouf ! la route à suivre est là, en contrebas, ce qui explique que je ne pouvais pas la voir. Guilleret, c'est un plaisir de retrouver des repères, je continue sur la petite route, puis sur des chemins agréables, je contourne La Palissière (sic !), et j'arrive à Nieul-lès-Saintes. Déjà midi ! Ravitaillement urgent, il n'y a aucun restaurant, sauf à revenir à Saintes me dit le patron du bar du coin, qui heureusement fait aussi fonction d'épicerie. Chorizo, fromage et une bouteille de bon vin, puis direction la boulangerie qui fait du très bon pain dit «saintongeais». Je quitte le village pour aller déjeuner dans un coin tranquille in the middle of nowhere de préférence. Je quitte le GR4 pour couper par de petites routes en évitant les nouveaux zig-zags proposés par le GR. J'ai eu ma dose de zigs-zags pour la matinée.   

Déjeuner seul au bord d'un champ, avec un paysage paisible et simple alentour, fait de prés et de bosquets, qui me ravit. Un plaisir !

Une demi-heure plus tard, redémarrage en direction de Corme-Royal en évitant une nouvelle boucle du GR4, mais là, ce ne fut pas très malin, car je tombe sur la D728 Saintes-Marennes, très passante, où je suis obligé de marcher pendant quelques centaines de mètres sur un bas-côté peu stabilisé , 250 mètres pour être précis. Impression pesante d'être de trop dans un monde à 4 roues vroum-vroumantes ! Cependant, arrivée sans encombres à Corme-Royal. Plus que 7 kilomètres ! Il est 14H30.     

Sillages d'encombrements aériens à l'approche de Nieul-lès-Saintes
Saint-Georges des Coteaux
Portail flamboyant du XVe siècle
Sans commentaire
Les derniers kilomètres longent plusieurs pommeraies pleines de fruits mûrs. J'hésite à chaparder une ou deux pommes qui me tendent les bras, mais la rigueur morale prévaut et je m'en abstiens ! Proximité de l'abbaye ??

L'arrivée à l'abbaye de Sablonceaux est impressionante, par une allée et un grand portail qui mettent en valeur les extraordinaires bâtiments de cet ensemble architectural.     
Entrée principale de l'abbaye : Photo empruntée sur internet, prise par  Cobber17
 
Façade du bâtiment conventuel, après l'entrée principale, à droite - Photo prise le jour de mon arrivée
Le superbe noyer d'Amérique, dont photo en tête de cette page, se trouve au fond de la cour de ce bâtiment. 
Cette abbaye fut fondée aux environs de l'an 1136, quand Guillaume X d'Aquitaine, duc d'Aquitaine et comte de Poitiers, offrit quelques-unes de ses possessions à l'église pour se faire pardonner de son soutien à l'antipape Anaclet II.
Du XIIIème au XVIIème siècle, l'abbaye connut de nombreuses dégradations, notamment au cours des guerres de religion. Des bâtiments furent endommagés, détruits puis reconstruits au fil du temps. Pendant la Révolution, elle fut vendue comme carrière de pierres. Pour ce faire, une partie des bâtiments conventuels est démolie. Le château abbatial est démantelé, de même qu'une partie de la nef de l'église, qui apparaît encore intacte sur une gravure de 1794. De trois coupoles, la nef de l'abbatiale passe à une seule. Elle menace ruine au XIXème siècle, puis au début du XXème siècle, ce qu'il en reste est transformé successivement en centre de cures de santé, puis en orphelinat, et enfin en... laiterie. À partir de 1962 commence le chantier de restauration de l'église, sous l'impulsion d'André Malraux, alors ministre de la Culture. Il faudra vingt ans pour remettre en état le sanctuaire.
Rachetée en 1987 par le Diocèse de La Rochelle et Saintes, elle a été confiée à la Communauté du Chemin Neuf, commmunauté proche du renouveau charismatique et des jésuites, avec la triple mission d'en faire un centre spirituel, un centre d'accueil pour des retraites ainsi que pour les visiteurs et les touristes, enfin un centre artistique. Elle accueille, en outre, les pèlerins en route pour Compostelle.   (extraits de la page wikipedia consacrée à l'abbaye).   

J'ai trouvé l'accueil plutôt mitigé quoi que bien organisé et relativement cordial. J'ai eu l'impression d'être un peu relégué au fond du bâtiment annexe où l'on m'a installé dans de très bonnes conditions de confort au demeurant. J'ai cru comprendre que l'activité esssentielle du jour était l'accueil et l'organisation du séjour d'une troupe de jeunes filles scouts qu'il n'était apparemment pas question de laisser appocher par le vieux pèlerin. Il m'a même été demandé de prier seul dans mon coin, aucun service religieux n'étant assuré ce soir là, ce qui vous l'aurez compris, ne m'a pas réellement déplu. Par contre, la qualité très moyenne du repas m'a fait regretter les auberges espagnoles que j'avais pratiquées le long du Chemin. Le prix du séjour m'a paru relativement élevé au regard des «prestations» proposées, 38 € pour le dîner de cantine scolaire + la nuit, quand le tout me coûtait entre 20 et 25 € en Espagne. A la base, le prix annoncé lors de la réservation, exigée 48 heures avant la date d'arrivée, était de 28 € (18€ pour la nuit et 10 € pour le diner, ce qui est très raisonnable), mais l'on vous fait comprendre à la réception qu'il serait de bon ton d'y ajouter un don pour la communauté. J'ai donc proposé et payé 38 €, tout en ayant l'impression par le regard de mon interlocutrice que j'aurais pu en donner plus.... Bon, ce fut peut être juste une impression ! Je me suis rapidement consolé en terminant la bouteille de bon vin de Bordeaux que je m'étais offerte le matin même. 

Notez bien que  je garderai un excellent souvenir de ce séjour malgré les quelques vétilles évoquées ci-dessus. C'est un vrai privilège de pouvoir loger dans un tel endroit.     
Vue aérienne particulièrement réussie de l'abbaye. Je ne voyage jamais sans mon drône....
Plus sérieusement, la photo est l'oeuvre de  Pierre Mairé -  www.pixaile.com
                        Étape N°7
       Sablonceaux            Royan
23 Octobre - 22 kilomètres
Plage de Royan il y a probablement plusieurs dizaines d'années,
avec à l'arrière plan la cathédrale inaugurée en 1958 .
Photo © XAVIER RICHER / PHOTONONSTOP / AFP
En ce dimanche 23 octobre, fin de parcours et bouclage de mes 1.300 kilomètres de pèlerinage, merveilleux cheminement  que la Providence m'aura permis de mener à son terme sans encombres et avec un immense enthousiasme, à 66 ans, à ne pas confondre avec la route qui a porté le même nombre au pays des barbares Trumpiens ! Pour les néophytes, je parle de la fameuse Road 66 qui reliait Chicago (Illinois) à Santa Monica (Californie) entre 1926 et 1985 qualifiée bizarrement de mythique et en tous cas qualifiable aujourd'hui d'historique. Ma pérégrination fut et restera infiniment plus humble.

L'enthousiasme et le bonheur que m'a apporté cette expérience en grande partie indicible, sont je l'espère perceptibles à lecture des tentatives de description que je viens de réaliser sur ce site,  des moments qui m'ont le plus marqué, indélébilement pour certains, et des évènements quotidiens de toutes natures tout au long des millions de petits pas - je n'ai pas compté, vous ne m'en voudrez pas - qui ont été nécessaires pendant ces deux mois de marche et ces cinq mois de déroulement, du 31 mai, au départ de Royan jusqu'à ce 23 octobre, retour à Royan.       

Ciel particulièrement plombé ce matin, température beaucoup plus douce que les matins précédents, léger vent d'ouest qui pourrait bien apporter la pluie pour mon dernier jour de marche. 

Dès le départ, il est de fait que cette partie de la saintonge est d'une platitude et d'un manque de charme flagrants. Sous la grisaille c'est encore pire.  Je suis tout de même d'excellente humeur à l'idée de boucler aujourd'hui la dernière étape de mon périple.
La bifurcation s'explique peut être en partie par le fait que l'itinéraire direct que je prends longe la D1 sur 400 mètres peu praticables où il faut faut marcher dans l'herbe en l'absence de bas-côtés, mais nous avons connu bien pire, notamment  sur le Camino del Norte, où il a fallu suivre des nationales en montagne avec épingles à cheveux, parfois sans visibilité, pendant des demi-journées entières !
Alors là, c'est un jeu d'enfants ou presque !

L'approche de Saujon est bien plus agréable.
Ce sont d'abord de petits canaux tels que ci-contre et ci-dessous.
Je vais encore faire faux bond au tracé GPS et au descriptif de l'Association Saintongeaise qui proposent de passer par Dercie, soit un crochet de près de 3 kilomètres, juste après Berthegille. Je fais mon rebelle en continuant directement sur la petite route où je suis.  Pourquoi passer par Dercie ? Aux confins des marais de la Seudre, c'est un petit port sur le chenal du même nom. Je ne saurai pas aujourd'hui si le village est digne de la bifurcation poposée par les tracés du Chemin.

Puis à proximité de la ville, c'est une promenade dans un grand parc parsemé d'étangs, les étangs de La Lande, très fréquentés par des pêcheurs qui ont dû passer la nuit sur place car installés dans plusieurs dizaines de tentes au bord de l'eau avec cannes à pêche de compétition directement plantées en position de «combat» à la sortie de chacun de ces abris. Plusieurs portent des vêtements camouflés, on se demande pourquoi, les poissons n'étant pas supposés avoir une vue perçante au-dessus de leur élément naturel. Peut être des chasseurs en train de pêcher !  
Site de pêche intensive à proximité de Saujon. L'on peut apercevoir deux tentes de pêcheurs à l'affut installées
sur la presque'île au centre. Par discrétion, je n'ai pas voulu prendre de photos des pêcheurs les plus proches ou de leurs abris.  
Belle arrivée à Saujon, avec vue sur le petit port où se tient le marché du dimanche matin avec marchands d'huitres..... de Marennes ou d'alentours.
Ravitaillement à Saujon pour le déjeuner ! Dommage jen 'ai pas de couteau à huîtres.. Ce sera donc sandwich et kil de rouge !!

Le centre ville de Saujon n'est pas un modèle d'architecture remarquable, beaucoup s'en faut. Traversée rapide, d'autant qu'il commence à pleuvioter. Dépôt du sac à dos pour revêtir mon armure anti-pluie ! Je ne l'avais pas fait depuis certains petits matins du Camino Francès en Galice où la brume dense est assimilable à une pluie fine.

Après la sortie de Saujon, la pluie s'intensifie par moments mais sans jamais se transformer en averse à grosses gouttes. Ce sera ainsi jusqu'à Royan avec des périodes d'accalmie. Je ne vais donc pas prendre de photos, pour ne pas soumettre mon appareil à l'humidité pour obtenir des images floues aussi brumeuses que le paysage qui n'a d'ailleurs aucun intérêt. L'arrivée à Royan est également particulièrement moche.
Il faut atteindre le front de mer pour apprécier les maisons d'architectes typiques des années 50 de la reconstruction de la ville, dirigée par l'architecte Claude FERRET, inspiré par les réalisations d'Oscar Niemeyer au BRÉSIL, après les bombardements qui l'avaient en grande partie détruite, et les quelques hôtels particuliers, résidences luxueuses du 19ème et du début du 20ème siècle qui y ont échappé ici et là.

Quant à l'église Notre-dame, immense nef de béton, elle peut plaire par son audace, ou non,
«le croisement d'un silo à grain et d'une cathédrale gothique» dira Luc Le Chatelier dans un article de Télérama ; une lointaine cousine de l'aéroport de Roissy....  Inaugurée en 1958, ses architectes n'ont probalement pas été assez attentifs à la qualité des matériaux, notamment, dit-on, en utilisant du sable marin pour leur béton, ni aux effets pourtant  prévisibles de l'air, tout aussi marin. Depuis, elle a une fâcheuse tendance à tomber par petits morceaux.
Le clocher et le beffroi ont été restaurés entre 1994 et 1996. De nouveaux et importants  travaux de restauration seront entrepris en 2017.

Indirectement, cette église ou cathédrale (?) a eu un rôle non négligeable dans ma petite vie. Mes parents étaient propriétaires d'une humble résidence secondaire à proximité. Enfant, ils m'ont amené un jour dans cette cathédrale , alors que des moines Tibétains y officiaient avec tambours, cymbales et longues trompes, mais surtout des psalmodies vocales avec des timbres d'une basse extrême qui produisent des vibrations qui vous envahissent tout le corps avec délice. J'ai été totalement subjugué par ce moment qui n'a sans doute pas été étranger à l'intérêt que j'ai développé beaucoup plus tard pour ce pays, ses pratiques spirituelles, sa langue écartelée entre les influences des langues indo-européennes à partir du sanskrit et de la langue chinoise par la proximité et les échanges entre les deux peuples pendant des siècles, avant que ces derniers décident de «pacifier» le Tibet à coup de massacres avec blindés et mitrailleuses contre les mousquets, les arcs et les flèches des guerriers Tibétains, notamment les Khampas qui ont essayé de se défendre héroïquement. Je vous conseille vivement de lire à ce propos le roman de mon camarade d'Université Patrick CARRÉ,
Un rêve tibétain, qui a obtenu le prix Alexandra David-Neel en 1994. 

Je me réfugie - il pleut toujours - sous des arcades bienvenues pour déguster mon sandwich aussi humide que le reste !!

Après ces agapes mémorables, je marche un peu le long de la plage où je rencontre une cycliste avec un vélo de randonnée chargé à ras bord, qui revient je ne me souviens pas très bien d'où, mais en tous cas du nord ; Angleterre ou Allemagne ?? Elle va rentrer chez elle, à Madrid, hé oui, elle est espagnole - dernier clin d'oeil de Maître Jacques ? - en suivant la Vélodyssée qui passe par ici et relie Nantes à Hendaye, vélodyssée que j'ai souvent suivie moi-même à pied sur la partie française de mon parcours en juin dernier.  

Nous discutons un bon moment, du Chemin de Saint-Jacques et de Madrid, entre autres. C'est pour moi un grand plaisir de pouvoir à nouveau parler espagnol.

Puis nous nous quittons bons amis car je tiens à terminer mon Chemin exactement là où il a débuté, à l'embarcadère du bac qui traverse l'estuaire de la Gironde. Il me suffira de longer la plage jusqu'au port. Il ne pleut plus ! En route je me rends compte que je n'ai pas demandé à Paloma l'adresse de son courriel. Je ne lui ai pas non plus donné  la mienne. Quel imbécile !!

J'arrive à l'embarcadère et là, surprise, Paloma arrive en même temps sur son vélo ! Nous échangeons bien sûr nos coordonnées. 
Je la regarde passer la barrière de péage et disparaitre vers le bateau qui m'avait transporté un matin frais et nuageux de la fin du mois de mai vers  Le Verdon sur Mer.

Et voilà, nous sommes au bout  et au début en même temps.
Le Temps serait-il aussi cyclique que l'affirment mes sources indiennes et chinoises ? Je suis vraiment amené à le croire désormais. 

Et si le cycle n'était pas achevé ? Et si je partais à nouveau sur le Chemin en 2017 ? Je souris du fond du coeur à cette pensée  ! 
  
Pratique intelligente et intéressante, non ?
Arrivée à Saujon
C'est exactement ici que j'ai rencontré Paloma
Et voici Paloma, Colombe en français
Pavement en forme de coquilles Saint-Jacques.
Pas de hasard !!
Et l'embarcadère en guise de clap de FIN !!
Fin des étapes 5, 6 et 7
THIS IS THE END
Post scriptum pour cette étape : carte suggérant un itinéraire alternatif entre Saintes et Sablonceaux
Fichier gpx transférable correspondant à cet itinéraire aternatif : Saintes-Sablonceaux Sud
J'ai consulté quatre traductions de ce texte essentiel du bouddhisme, très influent au Tibet et en Chine bien qu'indien à l'origine, même s'il ne reste que quelques bribes du texte sanskrit original. Il est très difficilement datable, seuls s'y risquent prudemment Thurman et Watson (voir ci-dessous) ! Il pourrait selon ces derniers avoir été écrit entre le 1er siècle avant JC et le 1er siècle après. 

Ces quatre traductions sont celles de
1. Etienne LAMOTTE, Université de Louvain, traduction en français en 1962 à partir de la version tibétaine de Chönyi Tsulthrim,
    mais en la confrontant aux versions chinoises de Xuanzang et de Kumarajiva, et de rares extraits en sanskrit. 
2. Robert A.F. THURMAN, Pennsylvania State University, traduction en anglais en 1976 à partir de la version tibétaine du texte
3. Burton WATSON,  Columbia University, traduction en anglais en 1997 à partir de la version chinoise de Kumarajiva
4. Patrick CARRÉ, chez Fayard, traduction en français en 2005, également à partir de la version chinoise de Kumarajiva

Il en existe une autre version en anglais par Charles LUK, éditée en 1972, que je n'ai pas vue, traduite de la version chinoise de Kumarajiva, et plusieurs traductions en japonais que j'aurais du mal à consulter, ma maîtrise du japonais laissant fortement à désirer...

Cette oeuvre pourrait résumer à elle seule l'évolution du bouddhisme de l'école Tch'an chinoise dont je parlais dans la page d'accueil. 
Provoquante et parfois humoristique, ce texte met en scène un laïque, Vimalakirti, qui écoute successivement les discours de plusieurs doctes tenants du bouddhisme en réfutant chaque fois leurs assertions théologiques sophistiquées pour in fine, lorsqu'il est invité à présenter sa propre méthode d'entrée dans la Réalité du non-dualisme, répondre par un long silence.
Le silence de Vimalakirti est resté célèbre, en Chine notamment.  Il reflète également assez bien les travaux des Madhyamikas indiens qui considèraient que toute tentative de définition ou de systématisation intellectuelle du fait spirituel est une erreur fondamentale, une voie sans issue. Origène, dans la sphère chrétienne, est également persuadé, et je partage totalement cet avis, que l'intelligence humaine est par nature inapte à appréhender Cela qu'il nomme Dieu en le décortiquant de quelque sorte que ce soit. Seule l'expérimentation en silence par le dépouillement de toute pensée, de toute image, de tout concept, peut nous ouvrir à ce Mystère, mais en disant ceci je viens moi-même de trop parler...                        

 
 
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